Le Gouvernement a poursuivi sa croisade contre les abandons de postes. Un décret du 17 avril 2023 a ainsi coupé le droit aux allocations chômages pour un salarié désertant son emploi. En réalité, l’abandon de poste n’a jamais constitué la solution idéale pour un salarié en difficulté.
L’allocation de retour à l’emploi, soit le nom technique et méconnu des indemnités Pôle Emploi, a pour objet d’indemniser une perte involontaire d’emploi. Le règlement général de l’UNEDIC vise ainsi un certain nombre de situations où les anciens salariés peuvent prétendre à une indemnisation. Au premier rang de celles-ci figurent toutes les ruptures à l'initiative de l’employeur : licenciement, rupture de période d’essai…
A l’inverse, les pertes volontaires d’emploi, notamment la démission, n’ouvrent aucun droit à l’indemnisation par Pôle Emploi.
Contrairement à une idée reçue, tous les licenciements permettent de bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi, du licenciement pour insuffisance à la sanction suprême, le licenciement pour faute lourde (pour info, un tel licenciement suppose de démontrer que le salarié a eu l’intention de nuire à son employeur). Enfin, ouvraient, devrait-on dire, car le licenciement pour abandon de poste vient d’être exclu de la liste. Un salarié mettant le feu à son entreprise sera ainsi mieux indemnisé que celui la quittant sans laisser de nouvelle. On ne ghoste pas son employeur (il est vrai que, sur le plan strictement moral, cela peut aussi être condamnable).
Traditionnellement, le licenciement pour abandon de poste est un licenciement disciplinaire. Les salariés sont ainsi tenus de se présenter sur leur lieu de travail, aux horaires fixés par l’entreprise. Un salarié faisant défection commet une faute. Selon une jurisprudence constante, le fait d’abandonner son emploi sans donner de nouvelle justifie un licenciement disciplinaire, pour faute grave généralement.
Un salarié voulant quitter son entreprise peut en principe démissionner. Le problème, la démission n’ouvre pas droit aux allocations chômage, et le salarié se retrouve sans ressource. L’abandon de poste permettrait, selon certains, de « forcer » un licenciement, et donc de prétendre à l’ARE. Dans l’imaginaire commun, le salarié abandonnant son poste serait donc un être vil, tentant de se faire licencier pour partir en vacance au soleil aux frais de la collectivité.
La réalité est souvent plus complexe. Certaines situations professionnelles peuvent parfois se révéler intenables pour les salariés. Mésentente grave, harcèlement, burn-out… Parfois, rester au travail peut être extrêmement difficile, voire néfaste. Et les solutions à leur disposition sont rarement satisfaisantes.
Il est possible de solliciter une rupture conventionnelle, mais l’employeur peut la refuser. Certains cas de démissions dits « légitimes » peuvent ouvrir droit à l’indemnisation. Notamment, en cas de harcèlement, un salarié peut rompre son contrat et bénéficier de l’ARE. Cependant, il faut justifier avoir initié une procédure judiciaire et l’appréciation du caractère légitime dépend in fine de l'appréciation de Pôle Emploi. La procédure est ainsi soumis à une forte incertitude.
L’abandon de poste offrait ainsi parfois une solution dans des situations où le dialogue était rompu (sans nier que des abus pouvaient bien entendu exister).
Désormais, l’article L. 1237-1-1 du Code du travail prévoit que le salarié abandonnant son poste est réputé être démissionnaire.
Néanmoins, cette présomption de démission ne peut s’appliquer qu’après :
Si cette procédure est respectée, le salarié est présumé démissionnaire, et ne peut prétendre aux allocations chômages.
L’article R. 1237-13 du Code du travail permet au salarié d’invoquer un motif légitime justifiant qu’il ait quitté son poste.
Le texte cite plusieurs exemples, tels qu’un motif médical, ou l'exercice des droits de retrait ou de grève. Il est possible également de refuser d'exécuter une instruction illicite ou de contester une modification unilatérale de son contrat. Par exemple, un salarié qui serait muté en dehors de sa zone géographique ne sera pas considéré comme démissionnaire s’il refuse de se rendre sur cette nouvelle affectation.
C’est un garde-fou qu’il est important d’avoir à l’esprit face aux abus qui pourront assurément survenir. Certains employeurs risquent d’être tentés de menacer leurs salariés de les placer en abandon de poste s’ils refusent une affectation contraire à leur contrat ou dangereuse. Il sera lors essentiel pour le salarié d’expliquer par écrit les raisons justifiant son refus se rendre sur son poste !
Le Gouvernement pense peut être avoir réinventé la roue avec la sanction de l’abandon de poste, mais, en réalité, cette solution était rarement conseillée avant la réforme.
Tout d’abord, certaines agences Pôle Emploi décidaient de leur propre initiative de refuser l’indemnisation des salariés ayant abandonné leur poste, estimant qu’il s’agit d’une privation volontaire d’emploi.
Ensuite, l’abandon de poste met le salarié dans une situation d’attente, à la merci de l’employeur. En effet, l’entreprise n’est pas obligée de licencier immédiatement le salarié. Parfois, certains chefs d’entreprise plaçait uniquement le salarié en absence injustifiée. La situation devenait ainsi particulièrement inconfortable car, d’un côté, le salarié n’était plus rémunéré, mais, de l’autre, il était toujours lié par un contrat de travail. Il ne pouvait donc pas s’inscrire à Pôle Emploi. Il était dans un entre deux, ni chômeur, ni rémunéré, qui pouvait durer plusieurs mois.
En bref, la solution n’était pas recommandée.
On l’aura compris, l’abandon de poste n’est pas le conseil idéal. Cependant, d’autres solutions existent, le tout étant d’identifier quelle est la difficulté du salarié.
Si le salarié souhaite quitter l’entreprise pour une reconversion ou un projet personnel, il peut se tourner vers la démission pour un projet de reconversion. Celle-ci nécessite une validation préalable du projet, mais elle permet au salarié de s’assurer une protection minimale lors de son départ de l’entreprise.
Il existe d’autres types de démissions légitimes, notamment en cas de déménagement du conjoint, qui peuvent être mobilisés.
En cas de situation conflictuelle, il faut aider le salarié à préparer un dossier. Que ce soit une situation de harcèlement ou une difficulté contractuelle (non-paiement du salaire, non-respect de l’obligation de sécurité…), le salarié a la possibilité de se tourner vers le Conseil de prud’hommes, qui peut rompre le contrat aux torts de l’employeur par le biais de la résiliation judiciaire. La résiliation prend l’effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à l’indemnisation chômage. Cependant, tout contentieux nécessite des preuves.
Préparer un dossier peut néanmoins avoir un effet bénéfique. Pour éviter un contentieux, l’employeur préférera parfois revenir à la table des négociations. Mettre en avant les difficultés rencontrées lors de l’exécution du contrat de travail, et le risque judiciaire que celles-ci peuvent faire courir à l’employeur, pourra inciter celui-ci à revenir sur son refus catégorique de la rupture conventionnelle.
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