Avec la nouvelle hiérarchie des normes, la signature d’un accord d’entreprise peut tirer vers le bas les avantages dont disposent les salariés, dérogeant même à la convention collective. L’enjeu est de taille, et la pression d’autant plus forte sur les épaules déjà chargées des représentants du personnel. Ajoutez enfin à cela un patron qui vous presse de signer sans lire un document dont le jargon est conçu pour induire en erreur, et l’opération a tout l’air d’un traquenard.
Afin de bien négocier et ne pas se faire avoir, voici quelques points d’attention sur lesquels se concentrer !
« Celui qui veut savoir où il va, doit savoir d’où il vient » rappelle ce célèbre aphorisme. Avant toute négociation, il est nécessaire de réaliser un inventaire des accords déjà applicables dans l’entreprise. Les représentants doivent ainsi connaitre tous les avantages dont disposent les salariés. Principalement, il faut aller en négociation en connaissant le nombre de jours de repos (RTT, jours forfait, jours de congés supplémentaires…), les primes et les éléments de rémunération. Certains avantages ne sont pas financiers et résultent parfois de pratiques ou d’usages. Ainsi, un horaire variable permettant à chacun de s’organiser comme il le souhaite, ou une possibilité de fixer soi-même ses dates de RTT ou de congés, sont autant d’atouts à conserver et à protéger farouchement.
En un mot, tout ce qui arrange les salariés doit être retenu. Il s’agira du socle de négociation. Hors de question de rogner dessus sans réelles concessions de l’employeur.
Ça ne mange pas de pain, mais en ces temps où un accord d’entreprise peut déroger à la convention collective, il vaut mieux savoir ce que l’on a à perdre. Il est fréquent qu’une entreprise, sous prétexte d’adaptation à sa situation conjoncturelle particulière, tente de diminuer les avantages conventionnels. Une comparaison point par point entre le projet de l’accord et la convention est généralement pertinente.
C’est vrai ça, pourquoi ? Pourquoi votre patron, si amorphe lors de la dernière négociation salariale (une baisse de tension apparemment), connait-il un subit regain d’énergie pour vous convaincre de signer un nouvel accord sur le temps de travail ? L’employeur vous renverra certainement au préambule de l’accord, une déclaration d’intention souvent rédigée en des termes dont la langue de bois ferait rougir un politique. « Nécessité d’adapter le fonctionnement de l’entreprises aux enjeux du XXIe siècle », « Refonte d’une organisation devenue inadaptée au nouveau contexte économique », « mise en place d’outils stratégiques structurels pour devancer l’avenir »… Il faudrait faire un palmarès des fausses excuses. En réalité, négocier un accord sur le temps de travail obéit à deux grands types d’objectifs : faire face à des difficultés économiques (mais alors, qu’on les prouve) ou flexibiliser l’entreprise. Dans ce cas, qui dit flexibilisation, dit (grosses) compensations.
Chaque accord est différent. Cependant, la pratique révèle un certain nombre de sujets régulièrement mis sur la table des négociations et sur lesquels il faut vous montrer attentifs.
La majoration des heures supplémentaires ? Facile, 25% pour les huit premières, 50% après. En réalité, ces majorations s’appliquent en l’absence d’accord collectif. Le taux minimum fixé par la loi est de 10% Un accord collectif peut donc réduire les majorations des heures supplémentaires. Et cela existe, l’exemple le plus connu étant la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, prévoyant des majorations à 10% pour les premières heures supplémentaires.
Attention donc, afin d’éviter l’effet « travailler plus pour gagner moins ».
On l’oublie souvent, mais il existe un contingent d’heures supplémentaires. Il s’agit d’une limite au-delà de laquelle les salariés doivent bénéficier d’une contrepartie supplémentaire : la contrepartie obligatoire en repos (ou plus simplement COR). Concrètement, le COR est un temps de repos payé, équivalent à 50% des heures effectuées au-delà du contingent dans les entreprises de moins de 20 salariés, et 100% dans les autres.
La loi prévoit un contingent de 220 heures par an, mais un accord peut le modifier (à la hausse). Forcément, c’est mathématique, un contingent plus élevé diminue le nombre de COR.
Les 35 heures ont tellement fait parler qu’on en oublie parfois qu’elles correspondent au seuil de déclenchement hebdomadaire des heures supplémentaires. Dépassez du petit orteil ce seuil et vous êtes en heures sup ! L’employeur dispose de la parade avec l’organisation du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (le nom scientifique, les rédacteurs des dernières réformes trouvaient sûrement qu’ « annualisation » sonnait trop simple). Avec ce système, les heures supplémentaires se calculent en fin d’année. Une semaine au-delà de 35 heures se compense au cours de l’année avec les semaines plus calme. Le calcul peut se révéler très défavorable aux salariés. Cela est d’autant plus dommageable qu’un accord d’annualisation s’impose automatiquement aux salariés, sans refus possible.
Signer une annualisation nécessite des contreparties (jours de repos supplémentaires, augmentations…).
En principe, la durée du travail des salariés à temps partiel est fixe chaque semaine, une garantie au regard de la précarité parfois subie de ce statut. Il est cependant possible d’annualiser le temps de travail des salariés à temps partiel. Leurs horaires peuvent varier ainsi d’une semaine à l’autre, sans qu’ils ne bénéficient d’heures complémentaires. La mesure est généralement loin de faire l’unanimité.
Les RTT ou autres jours de repos ont pour objet de compenser un horaire supérieur à 35 heures par semaine (par exemple, un salarié peut travailler 37h30 par semaine payées 35 et bénéficier de 13 RTT en contrepartie). Ces nombreux jours non travaillés sont établis par accord d’entreprise, et l’employeur peut être tenté de limiter leur nombre. L’accord peut ainsi réduire la durée hebdomadaire de travail pour faire baisser le nombre de jours de repos nécessaires pour assurer l’équilibre. Un point de vigilance, car ce type d’avantage est en règle générale très apprécié des salariés, surtout lorsque l’entreprise se contente des cinq semaines légales de congés annuels.
Le forfait jours, en synthèse, est un système où vous êtes payés de la même manière quel que soit le nombre d’heures effectuées sur une journée. Fini les heures sup ! Soyons sincères, il concerne davantage les salariés travaillant beaucoup que peu.
Le recours au forfait annuel en jours doit être encadré par un accord collectif, et réservé aux salariés disposant d’une réelle autonomie dans leur organisation. Le forfait jours est souvent synonyme de contraintes importantes pour les salariés : horaires à rallonge, non application des règles sur les heures supplémentaires, sur les durées maximales de travail… Des contraintes inversement proportionnelles aux avantages qu’il offre à l’employeur. Le forfait jour lui permet en effet de simplifier grandement la gestion de salariés amenés à travailler beaucoup.
Les conventions collectives se sont chargées d’encadrer le recours à ce type de contrat. Elles peuvent prévoir des durées maximales de forfait (par exemple 214 jours travaillés par an au lieu des 218 jours légaux), des modalités de suivi spécifiques, ou un coefficient minimal pour accéder au forfait afin de s’assurer que seuls les salariés réellement autonomes y soient soumis. Plus intéressant, certaines conventions imposent une rémunération minimale pour les salariés au forfait jours. Ceux-ci sont supposés travailler plus que les 35 heures règlementaires du fait de leurs fonctions, et les minimaux concernent justement un temps de travail de 35 heures. Le forfait implique donc de gagner plus. Par exemple, sous la convention SYNTEC, un salarié au forfait jour doit gagner au moins 120% du minimum attaché à sa catégorie.
Autant de garanties qu’un accord d’entreprise peut remettre en cause et sur lesquelles il ne faut pas lâcher.
L’argument classique de l’employeur : « Mais non, le forfait ne va rien changer. Pourquoi toute cette méfiance ? »
La réponse à retenir pour le CSE : « Dans ce cas, inutile de passer au forfait ».
Le fractionnement des congés payés figure en bonne place parmi les règles méconnues du Code du travail. En principe, un congé principal d’au moins quatre semaines doit être pris entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année (règle du droit au soleil, on part quand il fait beau). Si ce congé est fractionné et qu’une partie est prise en dehors de la période ensoleillée, le salarié peut bénéficier de jours supplémentaires, aussi appelés jours de fractionnement.
Autant dire que lorsqu’un accord porte sur les congés, un réflexe quasi automatique de l’employeur est de supprimer ces jours de fractionnement. Il n’y a aucune raison de l’accepter sans broncher !
Un livre entier pourrait être écrit sur le travail dominical, mais, contrairement à une idée reçue, les salariés travaillant le dimanche ne bénéficient pas automatiquement d’une majoration de salaire. Celle-ci sont prévues dans plusieurs secteurs par la convention collective applicable, notamment dans les secteurs industriels ou les zones touristiques. Hiérarchie des normes oblige, un accord d’entreprise peut déroger à la convention, et parfois diminuer drastiquement la contrepartie, quand elle n’est pas purement et simplement supprimée.
Au risque de briser de nouveau une croyance répandue, la loi ne prévoit pas de paiement majoré pour les jours fériés. Elle n’interdit même pas le travail sur ces journées. Seul le 1er mai et les salariés d’Alsace-Lorraine font l’objet de dispositions spécifiques.
Le chômage des jours fériés ou les majorations prévues pour ces journées sont ainsi le fait de conventions collectives âprement négociées. Conventions auxquelles, on l’a compris, les accords d’entreprise peuvent déroger de manière défavorable. Encore un point de vigilance donc pour les négociateurs salariés !
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