Aides à la rentrée scolaire, chèques cadeaux, arbre de Noël du CSE, subvention pour les vacances ou la salle de sport… Toutes les bonnes intentions du CSE sont accompagnées de la sempiternelle question : comment répartir l’argent de manière juste et équitable ? Faut-il intégrer les salariés absents de longue date, ceux qui ne font que passer dans l’entreprise, ceux qui sont partis ? Quid des hauts revenus, en ont-ils besoin ? A l’inverse, faut-il favoriser ceux qui sont dans des situations précaires ? Quelques conseils d’avocats pour y voir plus clair !
Le but n’est pas d’effrayer, mais toute analyse juridique commence par la vraie interrogation : que risque-t-on ? Rares sont ceux qui paient le parking sans craindre l’amende…
Pour les activités sociales et culturelles, les risques sont de deux ordres :
Prononcez ce mot et le rythme cardiaque d’un employeur sur trois grimpera en flèche. Que vient faire le grand percepteur de la Sécu, le bras armé chargé de la collecte des cotisations sociales ici ? L’un des avantages des prestations du CSE est justement qu’elles bénéficient d’exonérations de cotisations sociales.
Cependant, l’URSSAF veille au grain. Outre quelques règles pratiques, vous pouvez aussi vous rendre sur notre article "les bons conseils pour les cadeaux du CSE", l’URSSAF exige des prestations du CSE qu’elles respectent le principe général d’égalité de traitement et surtout que le CSE ne fasse pas reposer l’accès aux activités sociales sur un des critères discriminatoires. Tous les salariés doivent bénéficier des avantages du CSE. Les éventuelles différences de traitement entre salariés doivent ainsi être justifiées par des critères objectifs.
Le risque d’un manquement : l’assujettissement des prestations aux cotisations sociales (pour avoir une idée du coût, regardez le résultat sur votre fiche de paie) et un redressement en bonne et due forme. En pratique, notez tout de même que c’est en général l’employeur qui sera redressé et passera à la caisse. Pour ceux qui seraient tentés par l’expérience dans le but non avoué d’asticoter le patron, il faut néanmoins se dire que l’employeur peut tenter de déduire le redressement des subventions dues au CSE. Autant éviter un sujet de friction supplémentaire et inutile…
« Pourquoi n’ai-je rien eu ? ». La question récurrente. Le vrai risque vient des mécontents. Certains se contentent de râler à la machine à café, mais les plus vindicatifs peuvent aller jusqu’à saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir le bon d’achat dont ils auraient été injustement privés. La jurisprudence des conseils de prud’hommes fourmille de décision dont l’enjeu est compris entre un chèque cadeau de 15 euros et un panier garni à 65 euros. Alors si votre trésorier vous dit : « Non, il ne va pas y aller pour un bon cadeau de 30 balles ! Personne ne fait ça », vous pouvez lui répondre que si, certains y vont. Adopter les bons réflexes permet d’éviter ces procédures dont on se passerait assurément.
Pas de critères sans résolution du CSE !
Une bonne règle évite les mauvais conflits. Avant toute distribution de prestation, le CSE doit adopter une résolution précise qui mentionne les critères de distribution. C’est sur la base de cette résolution que le CSE pourra distribuer ses prestations et surtout répondre à ceux qui contesteraient.
Le salarié (véhément) : pourquoi n’ai-je pas eu ma place à Eurodisney ? Justifiez-vous où je vote pour la concurrence !
Le CSE (posément) : La résolution du CSE adoptée le 23 février 2022 à 10h55 à la majorité absolue des voix a établi que les dates d’inscriptions pour l’activité étaient comprises entre 1er et le 15 mars à minuit afin de permettre la commande des places auprès de notre prestataire. Vous nous avez adressé votre bon le 18, il était trop tard.
Le salarié (piteusement) : … Excusez-moi de vous avoir dérangés.
Le salarié (vitupérant) : pourquoi n’ai-je pas eu l’allocation de rentrée scolaire du CSE ?
Le CSE (hésitant) : euh… Pourquoi, bonne question, pourquoi… On s’était dit en réunion préparatoire, que, euh, je ne sais plus. Faut voir avec Jean Louis, c’est lui qui gère. Et puis tu m’embête avec ta question…
Le salarié (vociférant) : je vais aux prud’hommes.
Une seule règle : fixer les règles !
La résolution doit ainsi mentionner avec précision les critères d’attribution de la prestation (par exemple : les salariés présents dans l’entreprise à une date T, ou comptant trois mois d’ancienneté au jour du vote de la résolution…).
- Les chèques cadeaux de Noël seront attribués aux salariés présents à la date du 24 décembre 2022.
- Les subventions pour les activités sportives seront attribuées aux salariés présents dans l’entreprise au 1er septembre 2022 et comptant au moins six mois d’ancienneté à cette date.
Un sujet de discorde a longtemps été le caractère discriminatoire d’une condition liée à l’ancienneté. Par prudence, il était souvent conseillé de ne pas fixer une telle condition. L’URSSAF préconisait même de préférer une modulation de la prestation en fonction de l’ancienneté des employés.
Cependant, la Cour d’appel de Paris a très récemment jugé que fixer une condition d’ancienneté était valable (Cour d’appel de Paris, 24 mars 2022 n°20/17265).
La facétieuse Cour de cassation peut très bien nous réserver des surprises, cependant, il semble désormais possible de fixer une condition d’ancienneté sans risques majeurs. L’arrêt concernait une condition de six mois. Sans aller jusqu’à là, une ancienneté de 3 ou 4 mois peut être requise pour bénéficier des prestations.
Attention, il faut viser l’ancienneté au sens stricte. Elle ne doit pas être confondues avec d’autres notions. Un critère lié au temps de présence (nombre de jours de travail sur l’année par exemple) risquerait d’exclure les salariés malades, et donc d’être considérée comme discriminatoire.
La condition d’ancienneté doit également concerner tous les salariés, et pas uniquement certaines catégories (comme les CDD). A défaut, cela risquerait également d’être considéré comme discriminatoire car lié au type de contrat.
La question se pose régulièrement dans les entreprises faisant massivement appel aux salariés en CDD pour de courtes durées. Et la réponse est non. Prendre en compte le statut professionnel, et donc la nature du contrat, est une discrimination. Néanmoins, le CSE peut fixer désormais une condition d’ancienneté minimale, qui s’appliquera également aux CDD.
La question peut se poser pour les salariés en absence de longue durée, surtout que certains ne bénéficient plus du maintien de salaire. Faute de rémunération, la masse salariée se trouve diminuée, et les subventions du CSE en subissent le contrecoup.
Pourtant, lier les prestations du CSE à un critère touchant à l’état de santé peut constituer une claire discrimination. Le Défenseur des Droits a d’ailleurs tranché expressément en ce sens.
Les salariés absents pour maladie doivent donc bénéficier des ASC !
Quid alors des salariés absents pour d’autres motifs (congé sabbatique, congé parental, congé pour création d’entreprise…)
La réponse n’est pas bien compliquée pour les congés maternités ou parentaux. Ils doivent bénéficier des prestations du CSE, faute de quoi une discrimination serait caractérisée.
La question est plus délicate pour certains types de congés, tel le congé sabbatique. Il est parfois mal compris qu’un salarié absent pour raison personnelle continue à profiter des ASC. Néanmoins, au regard de la doctrine de l’URSSAF, tous les salariés doivent en bénéficier, peu important leur situation. N’accorder les prestations qu’aux salariés présents pourrait être assimilés à une prime de présence, et donc à un salaire ! L’avantage risque ainsi d’être assujetti, et le redressement rôde (sans compter la contestation des intéressés).
Une situation complexe parmi d’autres situations complexes.
Les intérimaires et les salariés mis à disposition peuvent accéder aux installations collectives de l’entreprise d’accueil, ce qui inclut la restauration.
La Cour de cassation a jugé en 2018 que les rémunérations versées aux salariés mis à disposition par une entreprise extérieure n’ont pas à être prises en compte pour le calcul du budget du CSE de l’entreprise d’accueil (Cour de cassation, chambre sociale, 7 février 2018 n° 16-24.231 et 6 juin 2018 n°17-11.497). A contrario, la rémunération de ces salariés entre en compte dans le calcul du budget du CSE de leur entreprise d’origine. En toute logique, ils doivent donc bénéficier des prestations du CSE de celle-ci.
Cependant, comme indiqué, le Code du travail prévoit que ces salariés bénéficient des prestations collectives du CSE de l’entreprise d’accueil, au premier rang desquelles figure la restauration (car oui, le restaurant d’entreprise relève des ASC). Si cela doit lui occasionner un surcoût, le CSE de l’entreprise d’accueil peut réclamer une compensation.
En résumé, intérimaires et salariés mis-à-disposition ne bénéficient pas des prestations de nature individuelle (chèques vacances, aide à la rentrée scolaire, cadeaux…), mais ils peuvent manger à la cantine.
Selon le Code du travail, les prestations du CSE sont versées au bénéfice des salariés de l’entreprise. Les anciens salariés ne sont visés qu’en second lieu. S’il est possible de prévoir des activités à destination des personnes ayant quitté l’entreprise (repas des anciens, aides pour des salariés licenciés pour motif économique), les prestations du CSE visent en priorité les salariés présents.
Le débat concerne souvent les employés quittant l’entreprise en cours d’année. Certains sont parfois mécontents d’être oubliés alors qu’ils ont effectué une grande partie de l’année dans l’entreprise. L’exemple typique de conflit concerne le salarié ayant fini son préavis juste avant Noël, et ne bénéficiant pas des chèques cadeaux.
Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas de droit à une prestation versée proportionnellement au temps de présence. Les ASC ne sont en effet pas un salaire rémunérant la présence ou le travail du salarié.
Il appartient au CSE de définir les règles de versement pour les anciens salariés. Il est ainsi possible de prévoir un versement au prorata, ou bien au contraire de limiter les prestations aux seuls salariés présents à une date donnée. Pour illustration, il est possible de décider que seuls les salariés appartenant à l’effectif le 24 décembre bénéficieront des chèques cadeaux de Noël du CSE. Tant pis pour celui ayant fait son pot de départ le 23.
Pour se prémunir de tout conflit, une décision du CSE claire est impérative !
Le stagiaire : Selon l'article L. 124-16 du Code du travail, les stagiaires doivent bénéficier des activités sociales et culturelles selon les mêmes conditions que l’ensemble des salariés.
Le Secrétaire du CSE : Ok, Ok. Lorsque tu iras chercher tes chèques cadeaux au local du CSE, profites en pour me ramener un café ! Insolent.
On plaisante, on adore nos stagiaires.
Tout critère doit être objectif et pertinent. Il n’est pas possible d’exclure des salariés en fonction de critères de revenus. En conséquence, il est proscrit de prévoir que les salariés gagnant plus d’un certain niveau de rémunération ne bénéficient pas des ASC. C’est d’ailleurs un motif fréquent de redressement par l’URSSAF.
De même, le statut professionnel ne peut non plus être pris en compte. Les salariés à temps partiel ne peuvent ainsi avoir deux fois moins, les CDD ne peuvent être exclus par principe.
L’URSSAF tolère néanmoins que le montant des prestations soit modulé en fonction des revenus. Aucun salarié n’est exclu, mais il est possible d’accorder une aide plus importante à ceux qui gagneraient moins par exemple.
Comme à chaque fois, une résolution claire et précise du CSE est nécessaire pour se prémunir de tout risque de contestation.
De nos temps, les familles deviennent complexes. Le CSE doit-il faire bénéficier de ses prestations uniquement les enfants du salarié, ou également les enfants de son ou sa compagne en cas de remariage (ou reconcubinage !) ? Sur ce point, le Défenseur des Droits a précisé que ne prendre en compte que les enfants avec lesquels un lien de filiation est établi constitue une discrimination (et, on l’a compris, l’URSSAF n’aime pas les discriminations). Les prestations du CSE doivent donc également concerner les enfants du conjoint du salarié, lorsqu’ils sont aussi à sa charge. Petite précision : la notion de charge correspond au fait « d’assumer les frais d’entretien et la responsabilité éducative et affective d’un enfant ». La prise en charge de l’enfant consiste alors à en assumer le logement, la nourriture, l’habillement et l’éducation mais aussi à développer des liens affectifs avec lui.
La question de savoir s’il est impératif d’offrir l’avantage à chacun des parents s’ils sont tous les deux salariés de la même entreprise n’a pas été clairement tranchée par la jurisprudence. De nombreux avis considèrent que si le règlement ou la délibération du CSE désigne l’enfant comme bénéficiaire d’une prestation, les deux parents ne pourront bénéficier que d’une seule prestation pour celui-ci (même si quelques avis discordants estiment qu’il pourrait s’agir d’une discrimination).
Le CSE est donc en principe libre soit de réserver l’avantage à l’enfant (un seul cadeau par enfant) ou de l’octroyer aux deux salariés parents. Les règles doivent être clairement décrites par le CSE. L’enfant doit être désigné comme destinataire du bon cadeau si le CSE veut qu’il en soit le seul bénéficiaire. S’il est inscrit dans la délibération du CSE que les prestations sont destinées aux salariés, chaque salarié y a droit.
La consultation de justificatifs pour les avantages octroyés par le CSE est encadrée par les règles de respect du droit à la vie privée. La CNIL autorise le CSE à solliciter un avis d’imposition lorsque le montant des prestations est lié au revenu. L’URSSAF prévoit également que le comité doit collecter les justificatifs démontrant que les prestations versées aux salariés sont utilisées conformément à leur objet.
Certaines prestations sont liées à une dépense du salarié (aide à l’inscription à la salle de gym, à la piscine…). D’autres dépendent d’une condition propre aux salariés (aide à la rentrée scolaire pour les parents…). Le CSE peut alors parfaitement solliciter une facture ou un justificatif, et ne pas accorder la prestation en cas de refus. L’URSSAF suggère d’ailleurs (fortement) au CSE de recueillir un justificatif avant de verser ce type de prestation.
Lorsque la prestation est modulée en fonction du revenu, il est conseillé de donner au salarié le montant le plus faible s’il ne justifie pas de sa situation.
Dans tous les cas, il est préférable pour le CSE de prévenir (par écrit) le salarié récalcitrant des conséquences de son refus !
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