Un bon argument pour convaincre les employeurs de prendre soin de leurs élus : le Conseil d’Etat a précisé que l’Inspection du travail ne pouvait autoriser le licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé lorsque cette inaptitude trouve son origine dans le comportement de l’employeur. De quoi placer celui-ci dans une situation délicate, puisqu’il ne peut pas licencier son salarié, qu’il ne peut pas non plus le faire travailler, mais qu’il doit en revanche le rémunérer…
Inutile de rappeler que le licenciement d’un salarié protégé nécessite une autorisation préalable de l’Inspection du travail. Lorsque le licenciement est prononcé en raison de l’inaptitude médicale du salarié, constatée par le médecin du travail, l’Inspecteur saisi ne peut se prononcer sur l’origine de cette inaptitude, ni même sur sa véracité. Seul le médecin est médecin.
Cependant, parmi les points à vérifier par l’Inspection figure un éventuel lien entre licenciement du salarié et son mandat, pour contrôler que le licenciement ne constitue pas une discrimination. Il faut ainsi faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndical.
Dans un arrêt du 2 décembre 2024, le Conseil d’Etat a jugé que le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives, constitue un élément de nature à révéler l'existence d'un tel rapport. En d’autres termes, si l’employeur a fait craquer un représentant du personnel dans l’exercice de ses fonctions représentatives, il est considéré comme étant à l’origine de l’inaptitude, et le licenciement est donc directement lié à l’exercice du mandat.
L’arrêt ne précise pas ce que peut constituer un obstacle à l'exercice des fonctions représentatives, mais on imagine sans mal qu’un harcèlement d’un élu, des attaques incessantes, un refus d’aménager son poste pour tenir compte de son mandat, des agressions durant les réunions du CSE, ou toute autre démarche de nature à lui compliquer la tâche, pourraient entrer dans cette définition.
La preuve du lien entre le comportement de l’employeur et le mandat du salarié sera, certes, difficile à apporter, mais les conséquences pour l’employeur seront loin d’être négligeables !
Un salarié déclaré inapte à tout poste ne peut plus exercer de fonction dans l’entreprise. L’employeur doit mettre en œuvre la procédure de licenciement, et doit également reprendre le paiement du salaire dans le mois suivant l’avis d’inaptitude. Dans le cas d’un salarié protégé dont le licenciement pour inaptitude est refusé, l’employeur devra reprendre le versement de sa rémunération, sans pouvoir le licencier, ni le faire travailler. De là à ce que certains observateurs patronaux parlent de retraite dorée…
En réalité, il ne faut pas oublier que ce type cas concerne des salariés déclarés inaptes, c’est-à-dire qui ont subi des agissements tels qu’ils en sont devenus incapables de travailler. L’employeur peut donc difficilement être plaint, puisqu’il est directement à l’origine de la situation.
La solution du Conseil d’Etat, si elle créée une situation de blocage pour l’employeur, a surtout une volonté pédagogique. Le message aux employeurs est clair : avant de faire vivre un calvaire aux membres du CSE et autres représentants syndicaux, pensez aux conséquences de vos actes lorsque vous aurez réussi à les faire craquer.
Cet arrêt peut donc être un bon argument dans la manche d’un élu faisant face à une situation de conflit susceptible de nuire à sa santé. Rappeler les risques encouru à son employeur pourrait l’inciter à mettre un terme aux agissements néfastes subis par l’élu.
Et si l’élu finit malgré tout par être déclaré inapte, il doit penser à mettre en avant auprès de l’Inspection du travail les véritables raisons de son inaptitude.
Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 02/12/2024, 470.513
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