Il y aura désormais l’arrêt McDo, même si les faits concernent en réalité l’un de ses franchisés. La Cour de cassation a jugé que l’employeur pouvait notifier une mise à pied disciplinaire à un salarié protégé sans passer par l’Inspection du travail. Sur le champ de bataille, cela change le rapport de force, en permettant à l’employeur de taper au portefeuille des élus. On ne pourra pas dire qu’il s’agit d’une bonne surprise.
Tout employeur notifiant une sanction à un membre du CSE ou à un délégué syndical vous le jurera la main sur le cœur : « ça n’a rien à voir avec son mandat (et au récent signalement de harcèlement moral contre mon directeur commercial qu’il a fait). Il parle trop fort dans les couloirs, ça gêne le personnel »…
Si on ne nie pas que certaines sanctions peuvent être justifiées (les représentants sont des humains comme les autres), il arrive néanmoins fréquemment que certaines soient une conséquence directe de leur action, et constituent un subtile coup de pression destiné à les convaincre de baisser le volume des revendications. Cependant, et jusqu’à récemment, les sanctions se limitaient généralement à un avertissement. En effet, toutes les autres sanctions, au regard de leur impact sur le contrat du salarié, nécessitaient en théorie, un passage devant l’Inspection du travail.
Pourquoi ? En vertu du principe selon lequel un salarié protégé peut refuser toute modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail. L’employeur est obligé de solliciter son accord (« Tu veux une sanction ? Hum… Non ! »), et si le salarié refuse, il doit soit renoncer à la mesure, soit solliciter l’Inspection du travail d’une demande de licenciement. L’Inspection fait ainsi office de filtre, l’employeur dont le dossier n’est pas au moins en béton armé ne se risquera pas à la contacter.
Au regard de ce principe, beaucoup considéraient que la mise à pied disciplinaire, compte tenu de ses effets sur la rémunération du salarié et de sa durée de travail, ne pouvait lui être imposée, car elle touchait directement à ses conditions de travail. Un franchisé de McDonald était convaincu du contraire, et on admet que l’on se serait bien passé du contentieux qui suivit.
La Cour de cassation a en effet jugé que la mise à pied disciplinaire du salarié protégé, qui n'a pas pour effet de suspendre l'exécution du mandat de représentant du personnel et n'emporte ni modification de son contrat de travail, ni changement de ses conditions de travail, n'est pas subordonnée à l'accord du salarié.
Concrètement, l’employeur peut prononcer la mise-à-pied et l’imposer au salarié. Face à un refus de celui-ci, il n’a pas à revenir dessus ni à passer par la case Inspection du travail. Surtout, il peut effectuer la retenue sur salaires correspondant à la mise à pied.
Par le passé, les employeurs prudents se contentaient d’un avertissement lorsqu’ils voulaient montrer les muscles. La missive était diversement appréciée selon l’élu (certains allaient jusqu’à la CEDH pour le principe, d’autres l’encadraient sur le panneau du CSE, fiers de faire partie du club des poils à gratter…), mais l’avertissement présentait l’avantage d’être indolore sur le plan financier.
La mise à pied disciplinaire, elle, tape directement au portefeuille. Elle permet à l’employeur de suspendre le contrat, et de réduire la rémunération d’autant. Un véritable enjeu, surtout pour les élus faisant partie des bas salaires.
Un salarié protégé peut bien entendu contester la sanction devant le Conseil de prud’hommes. Néanmoins, cette nouvelle jurisprudence fait peser sur lui l’initiative et le poids de l’action en justice. Faire annuler la sanction et récupérer la rémunération nécessitera un long combat. Cette inversion profite directement à l’employeur, qui peut agir sans démarches ni procédure préalable.
Alors, quelle stratégie face à cette nouvelle arme ? Mesurer les risques. La règle posée par la Cour de cassation étant limpide, l’élu qui se sait dans le viseur devra anticiper une éventuelle mise à pied avant de mener une action contestée, et avoir conscience qu’il aura peut-être à mener une contestation derrière.
Vous pouvez nous joindre au 01 87 66 96 92
sur notre adresse email contact@komite-avocats.fr
ou en remplissant le formulaire ci-dessous