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Eloge de l’arrêt Citron Banane

Votre employeur vous change de service, vous êtes affecté à un nouvel emploi dans l’entreprise, on vous remet une nouvelle fiche de poste... Bref, vos fonctions sont modifiées, même si votre responsable vous assure que rien ne change, et vous vous interrogez sur la validité du procédé. La réponse à vos questions tient en deux mots : Citron Banane.

On ne prend pas les citrons pour des bananes

Tout étudiant en droit qui survit jusqu’aux amphis du mois de décembre a la chance d’assister à ce cours improbable, ce moment où un vieux professeur vous annonce que la séance va être consacrée à une jurisprudence d’exception, un arrêt fondamental, une décision qui a changé l’histoire du droit. Alors que les étudiants s’attendent à étudier un moment historique, un arrêt sur le droit de grève, ou même au procès des premiers syndicalistes, l’enseignant annonce soudainement ce qui ressemble plus à un parfum de glace. « Aujourd’hui, on parle de l’arrêt Citron Banane, l’occasion de mettre un peu de soleil dans votre amphi ». Lorsque le cours suivant porte sur l’arrêt « Ile de la tentation », les étudiants comprennent alors que le droit du travail est une matière très terre à terre… C’est sûr comparé aux collègues du droit public et à leur prétentieux recueil des « Grands arrêts de la jurisprudence administrative »…

A noter : ne pas confondre l'arrêt "Citron Banane" avec "Citron Sorbet", le mot de passe du bureau de Dumbledore

Enfin, si son nom prête à rire, la jurisprudence Citron Banane traite pourtant d’une situation que nombre de salariés aura rencontrée au moins une fois dans sa vie : celle où l’employeur veut modifier ses fonctions, sans lui laisser la possibilité de dire non.

Concentrons-nous, donc, sur notre arrêt. Celui-ci met en scène une employée agricole affectée principalement à la cueillette des citrons. Subitement, son employeur décide qu’elle devra désormais se consacrer à l'engainage des bananes.

Les juges qui pensaient avoir signé pour un poste prestigieux, fait de haute réflexion sur des sujets juridiques profonds, ont dû alors s’intéresser à cette technique agricole méconnue qu’est l’engainage des bananes. Pour le profane, l’engainage consiste à enfiler une gaine, généralement en plastique, autours des régimes de bananes afin de favoriser leur croissance. L’effet de serre provoqué par le plastique permet de créer un microclimat accélérant la croissance des fruits, et les protégeant des insectes et autres agressions extérieures. C’est grâce à cela que le consommateur peut bénéficier de beaux fruits bien jaunes.

Dans le cas de l’arrêt, la salariée arguait que cette tâche constituait une modification de son contrat de travail, qui ne pouvait lui être imposée. C’est tout le débat qu’il faut trancher.

Le citron est un métier à part !

Pour comprendre l’enjeu, il faut savoir que les juges distinguent entre deux notions :

  • La modification du contrat de travail, qui nécessite l’accord du salarié car elle touche à ce qui a été négocié ;
  • Le changement des conditions de travail, que l’employeur peut imposer dans le cadre de son pouvoir de direction. 

Refuser un changement de ses conditions de travail peut constituer une faute, justifiant un licenciement. D’où la nécessité de bien arbitrer dans quel cas de figure l’on se trouve !

En matière de changement de fonctions, la position de la Cour de cassation dans notre arrêt fruité est que l’employeur peut confier une nouvelle tâche à un salarié, différente de celle qu'il effectuait antérieurement, à condition qu’elle corresponde à sa qualification. Dans un autre arrêt, la Cour eu l’occasion de préciser que le changement de poste ne devait pas affecter la nature même des fonctions d’un salarié.

Si ces conditions sont respectées, le changement ne caractérise pas une modification du contrat de travail et peut être imposé au salarié.

Règlement du concours du meilleur plaideur du cabinet Komitê [extraits]

Le vainqueur est l’avocat obtenant le plus de points à la fin de l’année

Placer « Citron Banane » dans une plaidoirie : 10 points

Voir dans un jugement l’arrêt « Citron Banane » mentionné par les juges : 20 points

Voir dans un jugement mentionné « Le grand arrêt Citron Banane » 30 points (la « jurisprudence de référence » est aussi acceptée)

Toute erreur, type « Citron Framboise », « Banane Fraise », « Citron Citron », « Mangue Passion », "Pêche Melba" : - 5 points par erreur

Voir dans un jugement mentionné l’arrêt « Banana Split » : 40 points

L'adversaire se trompe en répliquant et cite l'arrêt "Banane Flambée" : 50 points (mais obligation de chanter la chanson lors du pot de Noël)

Justice-rogné.jpg"Mesdames, Messieurs les juges,

Avez-vous déjà mis une tranche de banane dans votre Perrier ?"

Comment définir la qualification ?

Dans certains cas, il n’y a pas de débat. Ainsi, toute modification entrainant une hausse ou une baisse des responsabilités affecte le contrat de travail. De même, lorsque la nature même du poste est changée, à cause de tâche n’ayant aucun lien avec l’emploi initial du salarié, il y a modification du contrat. Par exemple, un employé administratif se voyant affecter à des tâches d’accueil en contact avec le public, peut refuser cette nouvelle mission. Il importe peu que les deux emplois soient au même niveau dans la hiérarchie de l’entreprise. Dans le même ordre d’idée, un juriste ne peut être effectué à un emploi de commercial (c’est peu prudent de toute façon), un serveur n’est pas un plongeur, un responsable RH n’a rien à voir avec un chargé d’affaires…

La question devient délicate lorsque le changement relève de la même famille d’emploi. Un ingénieur est-il supposé devoir accepter tout poste d’ingénieur dans l’entreprise ? Un gestionnaire RH en charge de la formation peut il se voir imposer d’aller gérer les relations avec le CSE (quel cauchemar) ?

C’est à ce moment qu’il faut donc se demander ce pourquoi on a été embauché, quitte à ressortir l’offre d’emploi. Les contrats tentent de palier à cette difficulté en prévoyant une définition d’emploi la plus large possible, cependant, c’est concrètement que s’analyse la nature des fonctions. Une clause permettant à l’employeur de modifier unilatéralement les fonctions n’est, en outre, pas valable.

Un salarié travaillant au pôle commercial peut en principe être affecté à d’autres fonctions relevant du même niveau de responsabilité de ce pôle. Un vendeur en magasin peut être affecté à un autre rayon, même si les produits sont différents. A l’inverse, un ingénieur matériaux ne fait pas la même chose qu’un ingénieur chimiste, pas plus qu’un soudeur de précision ne peut être affecté à des postes de soudure généraliste, ou que le juriste du service RH d’une compagnie d’assurance ne peut être envoyé au service de gestions des sinistres automobiles (même s’il est peuplé de juristes également).

L’employeur peut imposer à un salarié de faire la même chose dans un autre service ou auprès d’une autre clientèle. Il peut également lui demander une tâche qu’un autre salarié occupant son poste serait susceptible d’exercer. Il ne peut en revanche exiger de lui de faire un métier différent.

Autotest : mon contrat est-il modifié ?

Face à toute règle générale, il faut raisonner par critère pour apprécier une situation concrète, et, surtout, se poser les bonnes questions. Ainsi, le salarié doit se demander :

  • Si les nouvelles tâches qui lui sont confiées modifient son niveau de responsabilité (à la hausse ou à la baisse) ;
  • Si l’essence de ses fonctions, ou l’économie fonctionnelle du contrat, est altérée (un salarié doit conserver le poste pour lequel il a été engagé) ;
  • Si ses nouvelles fonctions exigent des compétences différentes ;
  • Si elles entrainent une diminution de la rémunération ou une modification de sa structure (fixe/variable).

Si vous répondez oui à l’une de ces questions, il y a un sujet.

Dans le cas de notre ouvrière agricole, la Cour de cassation a jugé que la cueillette des citrons et le gainage des bananes relevaient de la même qualification, ces tâches relevaient toute deux de l’emploi d’un ouvrier horticole. Son refus d’effectuer cette tâche justifiait ainsi son licenciement.

Le conseil aux salariés : avant de refuser tout de go une modification, n’hésitez pas à effectuer la mission demandée, sans l’accepter expressément. En effet, le fait de se conformer à une directive de l’employeur modifiant votre contrat ne vaut pas acceptation de celle-ci. Surtout, elle évite de s’exposer à un licenciement, qui est définitif (même s’il peut être contesté aux prud’hommes). C’est un aspect à avoir en tête, l’objectif est de garder son emploi, ce qui impose d’être stratège. Conformez-vous donc aux instructions, tout en sollicitant par écrit une réintégration sur votre ancien emploi, en argumentant bien sur le fait qu’il s’agit d’une modification de votre contrat de travail.

Si l’employeur n’écoute pas vos arguments, vous pourrez saisir le Conseil de prud’hommes, qui peut ordonner à l’entreprise de vous réintégrer dans vos fonctions.  

Les références de l’arrêt Citron Banane : 10 mai 1999, 96-45.673

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