A l’approche de Noël, la Cour de cassation a voulu faire plaisir à son public en offrant un arrêt où le CSE gagne à la fin. Malgré des embûches, des rebondissements, et, il faut l’admettre, quelques dégâts collatéraux en chemin, les élus triomphent. Au-delà de sa conclusion, l’arrêt rendu le 27 novembre dernier est surtout l’occasion de se rappeler quels sont les moyens d’actions à disposition du comité lorsque l’employeur est trop occupé pour penser à le consulter.
On le rappelle, la matrice du CSE, le saint texte définissant sa raison d’être, est l’article L. 2312-8 du Code du travail. Celui-ci prévoit que le CSE a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions.
Surtout, le comité est informé et consulté préalablement sur les « questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ». Cette notion inclut notamment les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ainsi que l'introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
Ainsi, toute mise en œuvre d’une mesure importante et collective doit être précédée d’une consultation du CSE. Même si l’avis du CSE est consultatif, celui-ci permet à l’employeur de prendre en compte l’opinion des salariés par l’intermédiaire de leurs représentants, et, qui sait, de se rendre compte d’effets négatifs de son projet dont il ne se serait pas rendu compte…
L’éternelle question : que fait-on lorsque le CSE se retrouve devant le fait accompli ? Beaucoup invoquent l’entrave, rêvant d’envoyer leur DRH en prison pour ce mépris de démocratie salariale. Hélas, le délit d’entrave n’a qu’un faible effet dissuasif. Outre que le défaut de consultation du CSE n’est puni que d’une amende (que certains comptables classent dans les frais de fonctionnement), les juges correctionnels chargés de juger ce délit sont rarement à la page en droit du travail, plus habitués qu’ils sont à la délinquance de droit commun (mais sans leur manquer de respect, nous serions nous-mêmes incapables de faire ce qu’ils font). Heureusement, l’oreille de leurs collègues du Tribunal Judiciaire est souvent plus attentive !
Comment sensibiliser l'employeur au Code du travail
Si l’entrave inquiète rarement les dirigeants, surtout lorsque les décisions sont prises dans un pays lointain, il est une procédure qui les fait réfléchir : le référé.
C’est l’intérêt de la dernière décision de la Cour de cassation, celle-ci rappelle les leviers dont dispose le juge judiciaire, que le CSE peut saisir lorsque ses prérogatives consultatives ne sont pas respectées.
Le juge peut ainsi ordonner à l'employeur :
Surtout, le juge peut ordonner la suspension de la mesure en cause ou donner interdiction à l’employeur de la mettre en œuvre tant que le comité social et économique n'aura pas été consulté.
Ce pouvoir vient de la compétence même des référés, dont la mission est de faire cesser tout trouble manifestement illicite ou de prévenir un dommage imminent. C’est bien le cas lorsque l’employeur ne consulte pas le CSE sur un projet intéressant la marche générale de l’entreprise.
Si l’employeur peut être indifférent à une amende symbolique au regard de son chiffre d’affaires, son attitude pourra être différente face à la perspective de voir un projet beaucoup plus onéreux être suspendu. De même, les relais français de décideurs situés à l’étranger auront également un levier de discussion avec des exécutifs pensant avant tout en termes d’efficacité.
Dans quels cas saisir le juge ?
L’autre apport de l’arrêt du 27 novembre est qu’il donne plusieurs illustrations des cas où le CSE doit être consulté. En effet, l’article L. 2312-8 du Code du travail prévoit une règle, mais il faut toujours apprécier au cas par cas ce qui constitue une « question intéressant la marche générale de l’entreprise ».
Dans le cas présent, les élus n’ont pas eu raison sur tout. L’arrêt est un peu comme ces films d’action où le héros a gagné, mais en laissant derrière lui moults dégâts et dommages collatéraux sur lesquels la caméra oublie de s’attarder.
Ainsi, les défaut de consultation invoqués par le CSE portaient sur :
En revanche, le comité a également relevé qu’une réorganisation d’un des services était en cours, et que cette réorganisation impliquait le transfert de salariés vers une filiale. Dans ce cas, la consultation du CSE était nécessaire, l’impact sur les conditions de travail généré par un changement d’employeur étant indéniablement important. La Cour a logiquement ordonné à l’employeur de procéder à celle-ci.
Ainsi, pour déterminer si une consultation s’impose, les élus doivent s’interroger quant à l’importance des effets concrets de la mesure sur les conditions de travail, et sur le caractère collectif de celle-ci. Une somme de décisions individuelles, sauf fraude, ne nécessite pas une consultation du CSE.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 novembre 2024, 23-13.806
En cas de doute ?Vous constatez un changement et vous vous demander si votre président du CSE ne vous a pas oublié. Placez dans un mail « Nous ne comprenons pas, selon l’article L. 2312-8 du Code du travail, le CSE n’aurait-il pas dû être consulté ? ». Dans deux cas sur trois, l’employeur finit par obtempérer. |
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