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Le mot du mois : écrêtement

C’est joli comme mot, écrêtement. On pense aux crêtes, aux montages, aux vagues, à des lignes blanches d’écume et de neige. Puis on découvre qu’il s’agit d’un procédé consistant à effacer de la pointeuse une partie de nos heures supplémentaires. Tout de suite, le mot parait nettement moins sympathique.

Illustration_sans_titre-4.pngErreur système

Ecrêtement : nom masculin, « Suppression des « pointes », des éléments quantitativement extrêmes »

Exemple : l'écrêtement des horaires de travail.

Nous n’inventons rien, c’est dans le dictionnaire (hommage au Robert). L’écrêtement est un mécanisme par lequel l’employeur diminue le nombre d’heures enregistrées sur les systèmes de décompte du temps de travail. Les manières de procéder et les justifications sont nombreuses.

La pratique concerne souvent les structures où le temps de travail est décompté à l’année, conduisant parfois les salariés à accumuler un stock d’heures au fil des semaines où l’activité est chargée, sans pouvoir le faire diminuer en travaillant moins sur d’autres journées. Concrètement, un salarié aux 35 heures ayant travaillé 40 heures sur une semaine créditera 5 heures sur la pointeuse. L’écrêtement consiste à supprimer tout ou partie de ces heures, faisant comme si elles n’avaient jamais été effectuées.

Parmi les illustrations rencontrées sur le terrain : 

  • La soustraction automatique des vingt minutes de pause quotidienne ;
  • La réduction du crédit d’heures non utilisé à intervalles réguliers ; 
  • Le plafonnement du nombre d’heures pouvant être créditées sur les compteurs (au-delà, c’est cadeau pour l’entreprise) ;
  • L’impossibilité de pointer au-delà de certaines heures, et donc l’arrêt automatique de l’enregistrement à une heure butoir ;
  • La suppression des heures excédentaires à la fin de l’année.

Certains logiciels prévoient également des systèmes plus subtils pour inciter les salariés à y aller mollo sur la badgeuse. Une des plus belle trouvaille est de signaler une anomalie dès qu’un certain volume d’heures est dépassé. Rien de tel qu’un petit encadré écrit en rouge s’affichant sur votre écran pour vous dire que votre situation est anormale. Conséquence inéluctable, les salariés se censurent, pointent parfois et retournent travailler ensuite, et s’assoient sur la comptabilisation d’heures qu’ils ont pourtant effectuées.

On le voit, l’écrêtement, ce n’est pas forcément la panacée. Heureusement, c’est illicite.

La pointeuse pointée du doigt

Les historiens s’écharpent sur la date de création de la première pointeuse, mais l’année généralement retenue tourne autours de 1840. Il faut dire qu’avant cette date, la durée du travail des serfs et esclaves n’était pas la préoccupation principale des gouvernants. Toujours est-il, sur ces pointeuses mécaniques, il y avait peu de possibilités techniques pour un écrêtement.

Puis, lorsque quelques geeks boutonneux ont révolutionné le monde dans leurs garages en fabriquant des ordinateurs, la révolution a touché également les pointeuses qui sont devenues électroniques, puis numériques, ouvrant un champ des possibles aux DRH.

Ainsi, l’écrêtement devient un sujet dès les années 80. Une ancienne circulaire de 1982 rappelle ainsi que tout système de décompte du temps de travail doit être fiable et infalsifiable, ce qui interdit tout écrêtement des heures effectuées par les salariés. L’article L. 3171-4 du Code du travail se charge aujourd’hui de rappeler cette double exigence d’un système fiable et infalsifiable.

La bonne excuse du patron : On ne falsifie pas des heures, on efface des heures que les salariés ont effectué sans nous prévenir. On a le droit.

En réalité, non. Les relevés d’heures doivent retracer avec précision les heures réalisées. L’employeur pourra derrière contester la réalité ou la nécessité de celles-ci (voir plus bas), mais le décompte des heures ne peut être corrigé arbitrairement.

Régulièrement saisies du sujet, les juridictions du fond rappellent régulièrement ce principe.

Ainsi, lorsque le décompte des heures de travail effectuées par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique (pointeuse, badge), celui-ci doit être fiable et infalsifiable et il ne doit pas permettre les correctifs a posteriori des enregistrements réalisés, ni contenir de système d'écrêtage, de forfaitisation ou de suppression des heures (quelques références de décisions : Cour d'appel de Versailles, Arrêt du 2 mai 2024, RG nº 23/02615, CA Bordeaux, Arrêt du 4 mai 2022, RG nº 19/00191).

Le saviez-vous : la pointeuse est-elle obligatoire ?

Le lobby des fabricants de pointeuses aimerait bien le faire croire, mais, en réalité, le décompte individuel du temps de travail n’est obligatoire que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif (article L. 3171-2 du Code du travail). L’employeur peut donc organiser le travail selon un horaire fixe et identique pour un service entier, cas dans lequel aucune badgeuse n’a à être installée, un planning commun suffisant.

La pointeuse contre-attaque

L’argument généralement rappelé par les services des ressources humaines pour justifier le paramétrage du logiciel de pointage est que les heures supplémentaires sont les heures effectuées à la demande de l’employeur.

En synthèse, on ne vous demande pas de faire autant d’heures, donc c’est de votre faute.

En filigrane, l’écrêtement constitue la réponse la némésis de tout RH, le véritable profiteur du système : ce salarié adepte du présentéisme sans motif autre que de générer des heures pour les transformer en jours de repos indus (on n’a pas de statistiques, mais apparemment, cette honteuses fraude serait encore plus massive que les télétravailleurs télétravaillant depuis une plage).

Toujours est-il, et même si la lutte contre les abus existant dans toute organisation humaine est compréhensible, l’écrêtement empêche de se poser les bonnes questions. Pourquoi un salarié dépasse-t-il régulièrement ses horaires de travail. Pourquoi ne prend-il pas ses pauses ? Au-delà du confort personnel, certaines situations cachent des surcharges de travail ou des problèmes d’organisation.

L’employeur peut-il contester sa badgeuse ?

La Cour de cassation est partagée sur le sujet.

Les heures effectuées ne sont dues que si celles-ci ont été réclamées par l’employeur, si le salarié a obtenu l’accord, au moins implicite de celui-ci avant de les réaliser, ou s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées » (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 14 novembre 2018, n°17-16959).

Le fait de faire du présentéisme ne permet donc pas de générer des heures.

D’un autre côté, l’enregistrement des heures sur un système de badgeage permet de présumer la connaissance par l’employeur des heures réalisées par ses salariés (arrêt du 2 juin 2010, n°08-40628). Faute de contestation, l’employeur est réputé avoir tacitement accepté celles-ci.

Si l’employeur est en désaccord avec les heures enregistrées par ses salariés, il lui appartient donc de contester immédiatement celles-ci. Il ne peut les écrêter automatiquement, mais il peut rappeler aux salariés que celles-ci ne sont pas nécessaires, et qu’il faut rentrer chez soi.

D’où le bon conseil : lorsque l’on reste tard, toujours penser à écrire un mail ou un SMS à son chef pour rappeler ce que l’on est train de faire (à envoyer avant le message au conjoint pour lui dire de laisse les restes du repas au frigo).

Quelques bonnes excuses pour justifier un écrêtement des heures :

  • C’est pour vous forcer à rentrer chez vous.
  • C’est pour l’équilibre vie professionnelle/vie privée
  • Dans le cadre de la RSE, on a acheté une pointeuse responsable : elle ne peut pas enregistrer trop d’heures
  • Le grand chef a cassé la pointeuse avec un extincteur quand il a vu vos décomptes
  • Les Nord-coréens ont piraté la pointeuse

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